• The slaughter

    Une nouvelle journée débute sous le soleil Kényan. 
    Je commence à m'habituer m’accommoder à ma nouvelle vie parmi les Maasaïs. Cette journée est consacrée aux tâches ménagères. Après un bon petit déjeuner à base de thé noir, de bananes et de tartines de miel, je m'occupe de la vaisselle ainsi que d'arroser les plantes du jardin, tandis que Susan fait la lessive. Je ne peux m'empêcher de la regarder frotter énergiquement les vêtements entre ses doigts tout en restant debout, les jambes écartées devant la bassine. Et dire qu'en France, faire la lessive avec un lave-linge est considéré comme une corvée...

    La journée est calme et le temps s'écoule lentement. Ce qui n'est pas pour me déplaire: je vais enfin prendre un peu de temps pour moi.
    Je m'installe sous le grand arbre de la cour avec un livre. Depuis mon voyage aux Etats-Unis je ne lis plus qu'en anglais. Susan et Véronica me regardent amusées voguer régulièrement entre les pages du livre et celles de mon petit dictionnaire Anglais/Français.

    Un peu plus tard dans l'après midi, des amies de Susan arrivent. Elles s'installent avec nous sous l'ombre du grand arbre et discutent joyeusement tout en tissant des bijoux. Je regarde admirative leur tour de main: elles détachent délicatement un long fil de plastique jaune d'un sachet de pomme de terre, puis le roule entre leur doigt longuement afin qu'il se dédouble, puis prenne la forme d'un fil très fin. Ensuite, elles peuvent y insérer les perles.  

    Je demande timidement à Susan si je peux prendre quelques portraits de ses amies. Il faut dire que je suis fan de leur tenues traditionnelles pleines de couleurs et de bijoux.
    Susan quand à elle est vêtue de manière plus "occidentale". On dirait une femme de la ville... Je me demande du coup pourquoi Francis et sa femme Susan vivent ici. J'avais tout de suite remarqué qu'ils étaient plus "modernes" autant par leur tenues vestimentaires que par leur ouverture d'esprit. J'ai appris par ailleurs qu'ils se déplacent régulièrement en Europe et aux Etats Unis (New-York, Boston, Chicago...) afin d'animer des conférences dont l'objet est de parler des traditions Maasaïs et de la préservation de leur culture et de leur environnement. Voyager est un privilège rare pour les Africains, dont la plupart n'ont pas de véhicule et ne sont jamais vraiment allés plus loin que les alentours de leur village.
    Bref je lui demanderais demain la raison de ce choix de mode de vie... 

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    Francis a accroché une véritable oreille d'éléphant à l'arbre. Comme un porte-bonheur, il pense qu'elle protège sa maison et ses proches.

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    Un peu plus tard, les amies de Susan s'en vont. Arrive ensuite une autre femme: la soeur de Véronica, accompagné de son Fils de trois ans: Samson.
    Je tombe toute de suite sous le charme de ce petit bonhomme de l'age de mon fils. Coup de coeur non réciproque: Samson ne cesse de pleurer en me voyant. Véronica compatis pour moi "He fears you". Décidément, ma peau blanche n'a que des inconvénients ici!
    J'ai beau essayer de le faire rire, rien y fait, Samson a trop peur de moi, cette étrangère au physique si différent de ce qu'il connait.
    Un peu dépitée, je capitule et me remet à lire sous mon grand arbre, quand tout un coup un cri strident m'arrache à mon roman.

    Je me lève et découvre un peu plus loin Samson en pleurs et sa maman lui tenant le doigt couvert de sang. Samson s'est entaillé le pouce avec un couteau alors qu'il aidait sa maman à découper la viande. La plaie est assez profonde et de grosses gouttes de sang tombent sur le sol poussiéreux de la cour.

    Ni une ni deux, je fonce chercher le désinfectant et les pansements prévus initialement pour les enfants de l'orphelinat qui se trouve dans ma valise.
    Je lui soigne son bobo et lui place un joli pansement aux motifs enfantins sur le bout du doigt. Samson est tout fier. Il ne cesse de regarder son pansement sous tout les angles. Les larmes ont laissé place à un attendrissant sourire.
    Je m'exclame: "Woaw! Samson!" et lui, tout fier, me rends un large sourire.
    Je lui tends ensuite une petite voiture. Ca y est je crois qu'on est enfin copains!

    Je passerais ensuite la fin de l'après midi à jouer avec Samson: à faire des concours de grimace, dessiner de longues routes sinueuses sur le sol où il s'est amusé à faire rouler sa voiture, des câlins, des bisous... Bref une après-midi pleine de tendresse et de sourires. Rien ne pouvait autant me faire plaisir.

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    En fin de journée un vent frais commence à s'installer. Je m’emmitoufle d'un plaid afin de terminer ma lecture. Le vent rabat sans cesse les pages de mon livre. Il est temps de rentrer.
    Je rejoins Véronica et sa soeur à l'intérieur de la cuisine afin de les aider à préparer à manger. 
    Samson veut que je le prenne sur mes genoux. J'adore mon nouvel ami!
    Nous dégustons ainsi des fruits dont j'ai oublié le nom (ils ressemblent à de petites tomates cerises) tout en remuant les casseroles de riz et de choux.

    Véronica et sa soeur préparent à manger dans la cuisine. La nourriture est cuite au feu de bois et à même le sol.

    Tout à coup Véronica se penche par la minuscule fenêtre puis m'attrape par le bras "come on! come on!". Je la suis rapidement tout en me demandant ce qu'elle avait aperçu de si intéressant.

    "Did you ever see a slaughter?"

    Un quoi? ... J'essaye, tout en marchant d'un pas rapide, de chercher ce nouveau mot dans mon petit dictionnaire.
    "Could you spell it?" 
    "S-L-A-U-G-H-T-E-R"
    Je trouve enfin le mot. La traduction est "abattage" ou "massacre". Ouille mais que ce passe-t-il?
    Véronica me rassure: Tu te rappelles la petite vache que l'on a soigné avant hier? Elle est morte. Les hommes vont la dépecer et la manger ce soir. Viens voir le spectacle! Je suis sure que tu n'as jamais vu ça de toute ta vie!

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    Alors qu'il sont entrain de la découper, Véronica me met en garde: "Ne mange pas cette viande! La vache était malade. Les estomacs des hommes sont résistants, le tien non! Comme je suis enceinte je n'ai pas non plus le droit d'en manger...

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    Au bout d'un moment Véronica me dit qu'elle va aller traire les vaches. Je la suis.
    "Tu ne préfère pas regarder le dépeçage?"
    "Je préfère t'apporter mon aide Véronica!"
    Elle me renvoie un large sourire. Je crois que nous sommes entrain de débuter une jolie amitié.

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    Après la traite, je retourne à l'extérieur du village. Il fait nuit à présent. Les hommes ont allumé un feu et sont entrain de réaliser un immense festin. 
    A l'intérieur de moi un petite voix s'exclame: "Un barbecue géant sous les étoiles! Quelle belle fin de journée!"


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