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Par Melodyslittleworld le 20 Février 2018 à 11:21
C'est aux premières lueurs du jour que je me réveille en ce 1er Janvier 2015, terriblement excitée à l'idée de réaliser mon tout premier safari photo en Afrique.
Malgré mon impatience à peine dissimulée, il faut tout d'abord aller traire les vaches.
C'est avec sérieux que je m'atèle à la tâche, en appliquant consciencieusement ce que m'a appris Véronica quelques jours plus tôt. Mais malgré toute ma bonne volonté, la besogne n'est pas facile pour la petite citadine que je suis. J'ai du mal à faire couler le lait et je manque un bon nombre de fois de me prendre des coups de sabots. Bref, je finis par capituler assez rapidement.
Au bout d'un moment j'aperçois Jackson qui se dirige vers moi en tenant un espèce d'instrument bizarre décoré de perles.
"Tu te rappelles ce que je te racontais hier à propos de la grande fête traditionnelle Maasaï? Et bien une des épreuves consiste à décorer ce récipient qui permet de faire cailler le lait."
Il me répète plusieurs fois le nom du récipient que je m'efforce de mémoriser... malheureusement sans succès!
En retournant en direction de la maison j'aperçois enfin le célèbre Kilimandjaro. (il était caché derrière la brume la veille). Massif, imposant, majestueux, et d'une rare beauté, Je savoure la chance de pouvoir le contempler, lui et son petit sommet enneigé.
Néanmoins le temps passe, et je commence à m'impatienter. Je me demande où est John et ce qu'il peut faire ce matin.
Nous avions convenu de partir aux premières lueurs du jour afin de maximiser nos chance d'apercevoir des félins. Pourtant, le soleil commence à être haut de le ciel et John n'est toujours pas là.
J'en profite pour aider Helen, la femme de Jackson à récupérer de l'eau au puits. Pour cela, nous marchons environ 500 mètres dan la boue, avec deux énormes seaux. Le retour fut particulièrement difficile. Le seau, plein à ras bord pesait le poids d'un animal mort. Et la gadoue était tellement glissante que j'ai bien failli plusieurs fois me casser la figure. A ce moment là j'ai vraiment compris la chance que j'avais d'avoir accès à l'eau courante dans mon pays.
Au bout d'une interminable attente, John arrive enfin, accompagné de Jackson qui saute dans le véhicule en me lançant: "Je viens avec vous, je connais le parc comme ma poche. Si vous voulez voir des animaux sauvages, je suis le meilleur des guides!"
Je n'ai même pas le temps de répondre quoi que ce soit que le véhicule démarre déjà...
Bon... ok..., pourquoi pas... Ne dit-on pas "plus on est de fous plus on rit"? Et puis de toute manière nous n'avons plus le temps de discuter, il est déjà tard, et pour les félins, c'est un peu loupé!
Nous arrivons assez vite devant l'entrée du Parc Amboseli. Un petit marché est installé sur le parking. Je jette rapidement un oeil aux bracelets quand une dame m'interpelle pour savoir si je désire quelque chose. Je lui répond "Non merci je jette juste un oeil!", et, du tac au tac elle me répond "Hakuna-mattata!" (= "pas de souci!" en Swahili). Je ne peux m'empêcher de sourire en repensant à ce dessin animé qui a bercé mon enfance. J'étais loin d'imaginer que ce mot existait vraiment et qu'il était aussi souvent utilisé!
Une fois devant la caisse, je comprend que je vais devoir payer l'entrée de John ainsi que celle de Jackson car ils n'ont pas pris d'argent. Je suis un peu contrariée. Je n'avais pas anticipé cette nouvelle dépense et je suis vexée que Jackson ne m'ait pas prévenu.
Je paye les 150$ à contre coeur et pénètre dans le parc national.
Il ne nous faudra pas longtemps pour apercevoir nos premiers animaux sauvages. Zèbres, gazelles, hippopotames, autruches, éléphants, buffles... le parc grouille de vie!
Pouvoir contempler ces fabuleux animaux autrement que derrière les grilles d'un enclos est un immense privilège! Je savoure chaque seconde de ce spectacle magique!Pourtant mon plaisir est de courte durée. Jackson semble s'impatienter peu à peu. A chaque fois que l'on aperçoit un animal sauvage, il me fait signe de prendre une photo (même lorsque je n'en ai pas envie!) et me questionne "C'est bon? Tu l'as? Ok on peut reprendre la route!"
Je me demande bien pourquoi il est si anxieux...Au bout d'une bonne heure, les animaux sauvages se font de plus en plus rares et le paysage, maintenant désertique, devient tristement monotone.
Je demande gentiment à John de revenir un peu sur nos pas afin d'explorer la première partie du parc qui semblait plus luxuriante et plus intéressante. Mais Jackson n'est pas d'accord. "Non non non, je suis entrain de guider John vers un endroit fabuleux, avec une vue splendide au sommet d'une petite montagne. Fais moi confiance! Nous sommes presque arrivés".
Un quart d'heure plus tard nous arrivons au pied de la montagne qui n'est finalement qu'une petite colline sans grand intérêt. Nous nous garons au parking et en descendant je tombe des nues en voyant arriver vers nous la femme de Jackson portant leur petit garçon, ainsi que plusieurs membres de leur famille.
Je ne comprends pas ce qu'il se passe et je n'ai pas le temps de questionner Jackson qu'il me fait déjà signe de monter les marches conduisant au sommet. Je m'exécute, un peu dubitative en me posant mille et une questions.
Au sommet, je dois bien avouer que la vue est vraiment spectaculaire. La vallée s'étend devant nous à perte de vue. La végétation, d'un vert vif contraste merveilleusement bien avec le ciel sans nuage.
En redescendant les marches Jackson se rapproche de moi et me glisse à l'oreille:
"Mmmmh, Mélody? Que dirais-tu d'aller dans un authentique village Maasaï? Nous pourrions déjeuner et je ferais en sorte qu'ils fassent un petit feu pour t'accueillir et qu'ils te jouent des chants traditionnels ... cela te coûterait 20$"
"Euh..."
A vrai dire je n'en ai pas vraiment envie. Cela fait déjà une semaine que je vis en présence des Maasaïs et même si leur compagnie est vraiment agréable j'ai vraiment trop envie de voir des animaux sauvages, bien plus que de découvrir un énième village Maasaï.
Je décline gentiment l'offre en expliquant calmement mon point de vue et en invitant mes compères à se re-concentrer sur le but principal de cette journée: apercevoir le maximum d'animaux sauvages.
Pour cela je demande à John de revenir sur nos pas afin de découvrir la première partie du parc qui m'avait tant plu.
Jackson est désormais muet et ne fait plus ses commentaires douteux à chaque fois que l'on aperçoit un animal sauvage... J'ai bien l'impression qu'il boude, mais tant pis. Je n'ai pas demandé à ce qu'il vienne. Il s'est incrusté dans le véhicule sans même me demander mon avis, et j'ai même du payer son entrée! Je ne comprend pas pourquoi sa femme est ici. S'il avait envie de rester avec elle, ou d'aller au village Maasaï il n'avait qu'à rentrer dans le parc par ses propres moyens.
A midi passé je commence à avoir faim... Je demande à John de me conduire au restaurant situé à l'entrée du parc (le seul que j'ai aperçu). Une fois sur le parking les deux acolytes tirent une gueule de dix pieds de long et finissent par me faire comprendre qu'ils n'ont pas d'argent pour se nourrir et que le restaurant est trop cher pour eux. En regardant la carte je comprends pourquoi. Le buffet est à 25€, boissons non comprises (ce qui est hors de prix par rapport au niveau de vie Kenyan).
Je n'ai pas les moyens de payer une nouvelle fois la part de mon chauffeur et de l'invité (qui n'a pas été invité^^), alors je rentre seule dans le restaurant, agacée par leur comportement. Ils 'n'ont qu'à se débrouiller tout seuls.
Au milieu de mon repas John entre dans la salle et vient me prévenir qu'ils comptent aller manger au village Maasaï, celui dont Jackson me parlait au sommet de la colline, et qu'ils viendront me chercher quand ils auront fini.
Agacée, et sans réfléchir je lui répond "ok ok, allez-y ". Mais une fois qu'il a tourné les talons j'ai un mauvais pré-sentiment.
Je cours hors du restaurant et fini par le rattraper:"Heuu, on va déterminer un horaire car je n'ai pas envie de vous attendre éternellement ici. Vous aurez fini dans une demi heure?"
Les deux acolytes se regardent perplexes. John me répond un timide "ben non, c'est à trois quart d'heure de route."
Je commence à bouillir intérieurement. "Alors dans ce cas, non je suis désolée! "
Le ton commence à monter. Les deux hommes ne veulent pas continuer le safari sans avoir mangé, je leur répond qu'ils n'avaient qu'à se faire un sandwich avec les aliments que j'avais acheté la veille, que je n'étais ni leur mère ni leur portefeuille.
Le ton monte d'un cran encore, et face à ces deux gaillards (et surtout face à Jackson , déterminé et têtu au plus haut point) je finis par capituler.
"Ok, ok, on y va vite, vous mangez vite, et on revient vite". J'ai rêvé de cette journée depuis des années, et je ne compte pas passer à côté!"
Les deux hommes acquiescent et nous prenons la route.
Après 45 minutes de trajet interminable sur une route particulièrement accidentée, nous arrivons au coeur d'une large plaine, à quelques centaines de mètres d'un petit village entouré par de minuscules huttes rondes.
John coupe le moteur et les deux hommes descendent du véhicule.Au moment où je m'apprête à descendre moi aussi, Jackson ferme les portes de la voiture et m'annonce: "Toi tu restes là. Tu n'as pas voulu payer les 20$ d'entrée alors tu ne viens pas!"
Je suis outrée, choquée, scandalisée... Incapable de dire quoi que ce soit, je les regarde s'éloigner.
Plus le temps passe, plus mon sang se met à bouillir, peut-être en parti dû au fait que j'étais à ce moment là, enfermée en plein soleil dans un véhicule avoisinant les 100°C (c'est à peine exagéré haha) .Furieuse, je n'arrive finalement plus à contenir ma colère.
Par la fenêtre entre ouverte je hurle de toute mes forces "JACKSOOOOOOONNNN!!!" "JOOOOOOHHHNNN". "WHERE IS JOOOOHHNN!!!!!! " WERE IS MY DRIVER!!!!!!"
Au bout de quelques minutes à m'arracher littéralement les poumons, un vieil homme drapé de couvertures Maasaïs, décoré de perles de la tête au pied, et armé d'un bâton, s'avance vers moi.C'est le chef du village. Il me demande ce qu'il m'arrive avec une voix à la fois calme et apaisante.
Je fond littéralement en larmes en expliquant mes déboires. Mon envie de réaliser une journée de safari, mon chauffeur, John, que j'ai été contrainte d'engager pour assurer ma sécurité, Jackson qui s'invite sans mon accord et pour qui il faut que j'assure toutes les dépenses, et pour finir cet abandon en plein soleil dans une voiture. .. "même à un chien on ne ferait pas ça..."
Au fur et à mesure de mon récit une trentaine d'habitants sont sortis du village et se sont approchés de mon véhicule. Ils me regardent tous avec des yeux ronds et compatissants. C'est sûr qu'une jeune blanche pétant les plombs ça ne doit pas être un spectacle très courant ici^^.
Finalement, John, mon chauffeur, arrive timidement vers moi
"Melody... je suis désolé."
"Où est Jackson?"
"Il n'a pas voulu venir".
"John, Je suis navrée de m'énerver ainsi, mais comprends moi. J'ai dépensé une somme phénoménale pour cette journée de safari. Rien que la location du véhicule et les entrées du parc me coûtent 500$; sans compter toutes les dépenses annexes! 500$ pour une seule journée! Tu imagines? Même pour mon pays c'est une sacrée somme! Il m'a fallu travailler des journées entières pour économiser cet argent. Et je culpabilise déjà bien assez de l'utiliser pour un plaisir égoïste alors qu'elle aurait pu servir à quelque chose de plus utile ou à mon fils.
Alors voila, vous voir vous comporter commes des invités, ou des amis en vacances, ça m'est insupportable. Tu n'es pas en vacances John. Tu es mon chauffeur, et je te paye pour ça, peu importe que tu ais convenu de recevoir l'argent avant ou après la prestation, cela ne me concerne pas..."
John baisse les yeux comme un enfant qui reconnait avoir fait une bêtise. C'en est presque touchant.
Le chef du village, surement attendri par mes grosses larmes, m'attire près de lui.
"Viens dans le village, prends le temps de te calmer avant de prendre la route..."
"Et les 20$ d'entrée?"
"Peu importe pour le prix d'entrée, viens te détendre tranquillement au village. Si tu veux je peux te faire visiter. Ça te changera les idées."
Entre deux sanglots j'accepte et le suis jusque dans le village. Nous traversons le campement, longeons les cases une à une afin d'arriver à l'autre extrémité du hameau. Là bas, à l'ombre de grands arbres, plusieurs centaines de Maasaïs s'affèrent autour d'un feu de camp. Les femmes cuisinent, les hommes dansent, les enfants courent...
"Nous donnons une grande fête pour célébrer le premier jour de l'année."
Tout devient enfin clair! Je comprends que Jackson s'est servi de moi pour aller à la fête gratuitement. Il a ainsi économisé le prix d'entrée du parc ainsi que le coût du véhicule.
Je bouillonne de colère et ne comprends pas pourquoi tant de mensonges. Je pense même que s'il m'en avait parlé hier soir, j'aurais accepté de l’emmener à sa fête. Je serais partie tôt avec John pour le déposer, puis nous serions revenus le chercher en fin de journée.
Le chef du village continue sa visite que je n'ai plus vraiment le coeur à suivre . Il me traîne de huttes en huttes. Toutes plus minuscules et miséreuses les unes que les autres. A l'intérieur, le plafond est tellement bas qu'il est impossible d'y entrer sans courber son corps en angle droit et il n'y aucun mobilier, aucune fenêtre... Les murs sont en bouse de vache (ce qui est très courant en Afrique) mais aucun revêtement particulier n'a été posé à l'intérieur, ni même au sol.
Pour avoir déjà dormi dans deux autres villages Maasaïs , celui ci est complètement différent. C'est comme si le cahier des charges lors de la construction spécifiait que les cases devaient être les plus miséreuses possible afin d'éveiller la pitié des touristes. Car oui l'entrée de ce village est bel et bien payante pour les touristes, et de nombreux tours operators font escale ici. Des bus remplis de voyageurs crédules se relayent donc tous les jours afin que leurs passagers puissent contempler ce qu'ils croient être une authentique tribu Maasaï, comme on contemplerait des animaux dans un zoo...
Alors si ce village a la chance d'avoir des revenus réguliers grâce au tourisme, pourquoi autant de misère? N'est-ce pas justement parfaitement intentionnel pour donner un faux semblant de "village traditionnel"? ... Tu parles, quelle mascarade...
Ecoeurée, je sors de la hutte. Le chef du village me rejoint et poursuis inlassablement son monologue tel un véritable guide touristique. Trop torturée par mes pensées, je n'arrive même plus à l'écouter.
A un moment, un petit garçon aux joues marquées au fer passe devant moi. J'avais justement demandé à Francis la raison de ces cicatrices il y a quelques jours ce cela, et, étant complètement transparent avec moi, il m'avait expliqué que ce sont des signes d’appartenance à la tribu Maasaï.
Ils réalisent ces marques à l'aide d'un fer rouge sur les enfants âgés de deux ans... Oui oui je sais c'est complètement inhumain. J'avais eu d'ailleurs une longue discussion avec Francis au sujet de leurs traditions, de certaines coutumes qui nous semblent immorales d'un point de vue occidental, et des différences entre nos deux modes de vie. C'était hyper intéressant d'échanger ensemble nos idées. Francis est un homme absolument admirable et tellement ouvert d'esprit.J'en profite donc pour questionner le chef du village afin de me faire une idée de son honnêteté et de sa transparence.
"Je viens de voir un enfant avec deux cicatrices sur les joues. Qu'est-ce que c'est?"
Le chef me répond, un peu embarassé: "Mmm.. On fait ceci pour éviter une maladie qui pourrait rendre les enfants aveugles".
S'en est trop pour moi. Ce discours à touristes me donne la nausée. J'en ai plus qu'assez.
"Merci pour la visite. Mais maintenant j'aimerais reprendre la route."
"Attends ici", me dit-il. je vais te chercher ton chauffeur. Il est dans la maison là-bas..."
Me voyant continuer à avancer, il enchaîne: "Ne t'inquiètes pas je vais le chercher. Assiez-toi à l'ombre là, en m'attendant!"
Plus qu'agacée, je proteste: "Vous vous fichez de moi! s'il est dans la hutte en face, à 8 mètres de nous, pourquoi devrais-je m’asseoir à l'ombre?? Vous n'en avez pas pour une demi heure tout de même ?"
Face à son regard dubitatif et ses yeux ronds je sens qu'il me cache quelque chose.
D'un pas ferme je me dirige vers la hutte et rentre à l'intérieur à toute balle. Sans grand étonnement, il n'y a personne... La hutte est totalement vide.
Le chef me rattrape en courant, et d'un coup sec me saisi le bras et me tire en arrière.
"Viens voir les toits en chaume!"
"Non merci!"
"Et tu n'as pas vu nos tissus traditionnels, viens!"
"Non! Je veux partir maintenant, lâchez-moi!"
Il me tire en arrière fermement malgré ma résistance. Je tente de me débattre comme un animal blessé et parviens enfin à me dégager de son emprise.
Ni une ni deux, je cours en direction de la sortie du village et une fois face à la plaine ... mon sang ne fait qu'un tour...
... La jeep n'est plus là!!
"WHERE IS MY CAAAAARRRRR!!!!!!!!!!!!!!!!!!"
Je hurle , je pleure, je m’effondre sous un grand arbre, complètement dévastée et choquée. Incapable de réagir. Je reste là recroquevillée en position fœtale, durant d'interminables minutes.
Le soleil commence à se rapprocher dangereusement de l'horizon. Je regarde ma montre. Il est 16h passé. Les rayons de soleil se font moins ardents. La lumière est plus douce et une légère brise caresse mes cheveux. Je me redresse, m'adosse contre l'arbre et sort une cigarette de mon sac. J'en ai amené trois pour ce voyage. Ce sont mes cigarettes de secours, celles réservées aux vrais moments de galère. Et je crois qu'aujourd'hui j'en ai bien mérité une!
Au bout d'une demi heure le véhicule arrive et se gare à sa place initiale.
Sans un mot je me lève, empoigne mon sac à dos et avance vers lui.
John descend et sans me laisser le temps de dire quoi que ce soit m'annonce, "je suis allé faire vérifier les pneus, ils me semblaient à plat". Comme pour montrer la véracité de ses paroles, il donne un rapide coup de pied dans la roue.
Je lui lance un regard à base de "prends moi pour une imbécile, on est à une heure de la sortie du parc, au milieu de nulle part dans une réserve naturelle sauvage et tu vas me dire qu'il y a un garagiste dans le coin?".
Puis après une profonde inspiration je lui lance:"Donne moi les clés!"
"Quoi?"
"Donne moi les clés. A partir de maintenant c'est moi qui conduit."
Un peu penaud, John s'éxécute.
C'était la première fois que je conduisais le volant à droite (j'ai néanmoins déjà roulé à gauche, mais en scooter en Thaïlande) mais ceci ne m'inquiétait pas pour un sou.
D'une main je mets en route l'auto radio, de l'autre j'allume une seconde cigarette, et en avant toute! Il ne me restait plus qu'une heure avant le coucher du soleil et j'avais bien l'intention d'en profiter pleinement.Quel plaisir de conduire! Quel plaisir d'être maître de son itinéraire! De choisir où aller, quand s'arrêter, quand reprendre la route. C'est tellement agréable!
Au détour d'un sentier, nous croisons un troupeau d'éléphants tranquillement installés sur le côté de la route. D'un pas nonchalant, l'un d'eux s'approche de la voiture. J'en ai le souffle coupé. Il est si près que je pourrais presque le toucher.
Le temps semble comme suspendu. Je ne peux décrocher mon regard de ce fabuleux mammifère, le plus gros animal terrestre. Et malgré ses cinq tonnes (en moyenne), il n'en est pas moins élégant, marchant d'un pas paisible, et agitant sa trompe dans toutes les directions avec une grâce incomparable.
Naaaaaaaaaaants Ingonyaaaaaa mabagithi baba
La nuit tombe peu à peu.
Au moment où nous sortons du parc John m'annonce qu'il se connaît pas l'itinéraire pour revenir à Namelock, le village où vit Jackson (nous avions laissé tout les deux notre sac d'affaires chez lui) et que celui ci a éteint son téléphone portable.
Alors ça c'est malin! Et dire que Francis m'a conseillé un chauffeur justement pour éviter de m'égarer, et nous voilà justement perdus.
Loin d'être soucieuse, je lui propose de rouler jusqu'à la prochaine ville. Nous demanderons notre chemin à ce moment là".
John me regarde admiratif: "Tu n'as peur de rien toi! ... Tu es une vraie aventurière!"
Après quelques petites péripéties, nous arrivons enfin chez Jackson. John négocie pour passer la nuit ici. Dormir à nouveau chez Jackson ne me réjouis pas vraiment, surtout après ce qu'il vient de se passer. Mais je pense à John qui doit être surement très fatigué après une telle journée, et qui doit avoir cruellement besoin d'un bon lit et d'une bonne nuit de sommeil.
Tout deux discutent en Maasaï, ce qui m'exclut de la conversation. Mais tant mieux finalement car je suis trop fatiguée pour prendre part à la discussion, et trop vexée pour avoir envie de quémander quoi que ce soit. Si ça ne tenait qu'à moi je crois bien que je roulerais jusqu'à un endroit tranquille et dormirais à l'arrière de la jeep...Pas de repas cette fois ci, pas non plus de chambre à coucher ni de lit double pour moi.
Je suis recluse dans la cuisine où je dormirais dans un tout petit lit, avec la jeune soeur d'Helen. Je sens bien que Jackson essaye de me faire payer ce qu'il s'est passé mais tant pis cela m'est égal. Demain je reprendrais la route, et cette aventure ne sera plus qu'un mauvais souvenir.Le lendemain matin, John, mon chauffeur, est cette fois ci, prêt très rapidement. Je sais d'avance que les adieux seront ni longs ni déchirants.
Avant de monter dans la voiture, je tends un billet de 20$ à Helen."Promets-moi d'acheter une bouteille de gaz avec cet argent!"
Touchée par mon geste, elle me remercie chaleureusement. Je jette un coup d'oeil à Jackson. Pas un sourire sur son visage, pas un merci sur ses lèvres, il se contente de me fixer avec un regard amer.Je saute dans la voiture, John mets les gaz et nous quittons enfin cet endroit peu agréable.
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